On colle des affiches. On invente des slogans. On répète aux élèves : « Parlez, dénoncez, brisez le silence. » Mais qui osera dire aux adultes de cesser d’être sourds ? Ils savent lire. Ils savent entendre. Mais quand apprendront-ils à écouter ?
J’ai été harcelée. Traînée dans la boue, humiliée, ignorée. Ce n’est pas seulement l’œuvre des enfants. C’est aussi la faillite des adultes. Ceux qui auraient pu stopper la violence ont préféré détourner le regard. Pire : certains l’ont amplifieé.
CE2.
Un enseignant qui m’exhibe comme un trophée pour mes bonnes notes, malgré mes protestations. Il me met en avant devant toute la classe durant l’année entière pour mes notes malgré mon dégoût pour ce spectacle, et lorsque j’ai été humiliée devant trente élèves pour cela, il n’a pas bronché. Pas un regard pour moi. Manifestement, il choisissait avec soin quand me défendre ou m’enfoncer. Quand cela me vaut des moqueries cruelles, il détourne les yeux. Pas un mot. Pas un geste. Le silence comme bouclier, la lâcheté comme méthode.
Sixième.
Je me fais frapper, insulter chaque jour. Mais selon une autre enseignante, le vrai problème, c’est ma sensibilité. Le vol de mon livre ? « Tu n’avais qu’à ne pas le laisser traîner. » La violence devient une faute de l’enfant agressé. On applaudit la logique inversée.
Quatrième.
Une professeure me traite de paresseuse… en mon absence. Mon emploi du temps est aménagé, car je ne peux plus passer des journées entières dans mon établissement scolaire. La souffrance est trop grande. Mais elle se permettra de douter des certificats médicaux qui attestent de ma dépression. Dépression. Les soignants exagèrent. Moi aussi. Et face à mon père, elle affirme fièrement : « Je referais tout pareil. » L’humiliation comme conviction, le mépris comme étendard.
Et après tout cela, que se passe-t-il si je parle ? Je suis traitée comme coupable au même titre que ceux qui m’ont fait mal. On me dit de pardonner. D’aller mieux. Mais comment guérit-on des blessures que personne ne reconnaît ?
J’ai pardonné une fois. À une ancienne harceleuse qui m’a présenté des excuses sincères. Elle n’y a été forcée par personne. Nous avons discuté. J’ai compris. Et j’ai pu avancer.
Mais les autres ? Des excuses forcées, creuses. Des visages impassibles. Des adultes qui couvrent l’indéfendable et ridiculisent l’indicible. Alors non, je ne franchirai plus la porte d’un bureau où l’on m’explique que ma souffrance est une exagération.
Aujourd’hui, j’écris. Je témoigne. Je prends la parole, parce que j’aurais aimé qu’on me la donne plus tôt.
Avant de sanctionner, écoutez. Avant de juger, comprenez. Avant d’imposer un pardon, questionnez-vous.

1/ Quand les insultes deviennent une voix intérieure
- Camille & le harcèlement scolaire
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2/ « Et si ça recommençait ? » Cette peur sourde qui ne me quitte jamais
- Camille & le harcèlement scolaire
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3/ L’après-harcèlement, quand le danger ne part pas
- Camille & le harcèlement scolaire
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4/ La voix qui me protège… et m’enferme
- Camille & le harcèlement scolaire
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5/ Trop jeune pour souffrir, trop lucide pour être crue — La double peine
- Camille & le harcèlement scolaire
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6/ Quand le silence des adultes fait plus mal que les coups
- Camille & le harcèlement scolaire
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