« Vous avez des enfants ? » Si vous êtes une femme trentenaire, en couple depuis plusieurs années et avec une situation professionnelle stable, vous avez déjà eu à répondre à cette question, et sûrement plus d’une fois ! Et si vous répondez par la négative, avez-vous remarqué l’étonnement dans la voix de votre interlocuteur ?

Il est même fréquent que cette interrogation soit formulée de façon plus insidieuse : « Vous n’avez pas encore d’enfants ? » Avec ce « pas encore », votre interlocuteur sous-entend que vous allez en avoir, voire même que vous devez en avoir. Il fait référence à une norme qui dit que toutes les femmes veulent devenir mère. Si vous ne l’êtes pas, alors qu’en plus vous réunissez tous les critères, vous n’êtes pas dans cette norme. Pour un peu, vous pourriez même ne pas être normale. Les gens interrogent donc votre anormalité en espérant que vous allez y remédier, d’où le « pas encore ». Remerciez-les de vous laisser là une chance de vous remettre sur le droit chemin !

La maternité est un sujet sur lequel les femmes ne cessent de devoir se justifier. Elles doivent s’expliquer quand elles n’ont pas « encore » d’enfants, quand elles ont un enfant âgé de plus de 3 ans mais pas de deuxième en perspective et quand elles ont plus 40 ans, les gens leur rappellent alors l’urgence de l’horloge biologique de procréer ! Je n’ose même pas parler de l’incompréhension que subissent les femmes qui ne désirent pas devenir mères. Je ne sais pas s’il y a tant d’autres sujets sur lesquels les proches comme les inconnus se permettent d’être si intrusifs

Je suis également surprise aussi par l’idée d’ « avoir des enfants ». Cette question oublie d’interroger la chose primordiale dans le fait de devenir parent : le désir d’enfant. Vouloir être parent, c’est désirer aimer, transmettre, partager, protéger. Il me semble que c’est tout sauf posséder. D’ailleurs éduquer un enfant, c’est lui apprendre à s’autonomiser pour un jour prendre son envol ; alors que dans la possession, il y a l’idée de garder pour soi. Puis, que signifie le fait de ne pas avoir d’enfant ? La pensée pourrait rapidement dévier sur l’idée que si l’on n’a pas d’enfant, alors on n’a rien ? Le raccourci est rapide vers l’idée qu’on n’est rien ?

Ces abus de langage, sur lesquels je peux paraitre bien pointilleuse, sont d’autant plus difficiles à entendre dans les cas où le parcours vers la parentalité se révèle contrarié et contrariant. La peine est double car voilà un autre point sur lequel vous n’êtes pas dans la norme. Il est expliqué aux enfants que les filles sont différentes des garçons parce que lorsqu’elles seront grandes, elles pourront porter des bébés dans leur ventre. Ainsi, dès l’enfance, il est expliqué combien nous, les filles, sommes prédisposées à devenir mères une fois adultes. Combien ce processus est naturel. Tout ceci est à la fois vrai et réducteur. Car pour certaines, il semble qu’il y ait eu malheureusement quelques erreurs de paramétrage, qui conduisent ces femmes à se sentir anormales, voire défectueuses… Alors si on à l’avenir, on faisait plus attention aux expressions toute faites ?

C.V.