Fille d’enseignante, Émilie a elle aussi voulu devenir enseignante en faisant toujours le choix d’exercer en zone d’éducation prioritaire : « J’avais des idéaux. J’étais convaincue que l’école publique pouvait offrir à tous l’égalité des chances et de réussite. Je croyais au principe d’éducabilité. » Devenir enseignante était pour elle un réel engagement citoyen : participer au changement sociétal par la base, dans ces lieux que nous avons tous été amenés à côtoyer…

Transmettre, partager, donner le goût. Émilie se tourne tout naturellement vers le professorat des écoles : ne pas se spécialiser dans une discipline, exprimer sa polyvalence et sa créativité, tenter d’avoir un impact sur ces futurs citoyens, lutter contre les inégalités. Oui, il y a 15 ans, Émilie était pleine d’espoir et de motivation !

Réfléchir, adapter, personnaliser, construire consciencieusement ses séances de travail et trouver les bons supports. Émilie y passe avec plaisir des heures. Puis, elle devient maman. Moins de temps pour préparer sa classe, même si elle y consacre ses soirées et y sacrifie des balades en famille le dimanche. Hélas, ça ne suffit pas. L’insatisfaction et la culpabilité s’installent en elle…et ne la quitteront plus.

Les contraintes institutionnelles ne cessent d’augmenter, sans offrir plus de temps et plus de moyens pour les enseignants de les mettre en œuvre. Des classes de plus en plus hétérogènes sans moyens supplémentaires de temps et d’argent pour se former, aménager les espaces, adapter le matériel. Des changements perpétuels épuisants, dont on perd le fil et le sens. Les appellations, elles aussi, ne cessent de changer : « Depuis que j’exerce, en grammaire, on a changé 5 fois d’appellations pour parler du Complément d’Objet Direct : COD, Complément du Verbe, Complément obligatoire, Prédicat, et à nouveau COD à l’heure actuelle. » Ces changements épuisent et ne répondent pas aux difficultés des élèves, des familles et des enseignants.

Ces dernières années, elle a eu le sentiment que son travail consistait à limiter la casse. Les écarts se creusent malgré sa bonne volonté. Elle sait pourtant de quoi ses élèves ont besoin, mais impossible d’y répondre.

Émilie ne voit plus que les dysfonctionnements, les incohérences et les insuffisances du système. L’amertume et la désillusion viennent envahir ses fins de journée.

Un matin, elle ne peut plus. Ce matin-là, elle n’arrivera plus à aller en classe. Burn-out.

Émilie prend du temps pour se recentrer sur elle. Enseigner, cette envie coule dans ses veines. Elle ne garde aucune colère contre ce système. Elle est même reconnaissante pour ces années d’expérience. Ces idéaux, elle se reconnecte à eux et souhaite aujourd’hui les appliquer et les transmettre…différemment bien sûr ! L’Éducation Nationale, elle y renonce. Elle enseignera autrement, plus librement, en retrouvant du sens à ses actions. Alors Émilie, nous n’avons plus qu’à te souhaiter de t’épanouir dans cette future et nouvelle vie autour de l’enseignement !