Jeanne a 11 ans. Douce, souriante, dynamique, créative, voilà comment elle est décrite par son entourage familial et scolaire. Mais depuis son entrée en sixième, elle a perdu de son étincelle :  « Le collège, ça ne sert à rien, sauf à ce qu’on se déteste les uns les autres »…

En discutant avec Jeanne, je comprends que le plus dur à vivre pour elle est la perte d’une relation enveloppante et chaleureuse avec sa maitresse de primaire. Elle n’était pas préparée à vivre des relations distanciées et dépourvues d’affects avec ses professeurs de collège. Cette distance, elle la vit comme une marque de désintérêt de leur part.  Elle m’explique que les profs veulent juste des élèves silencieux, calmes, qui ne perturbent pas leurs cours. Et pour y parvenir, elle me décrit le système mis en place,  les « bonnes croix » qui rachèteraient les « mauvaises croix ». Si on porte de pièce en pièce les affaires des profs, on a une bonne croix. « Je sais, c’est bizarre  me dit-elle, mais quand ça permet d’éviter les heures de colles, et bien je le fais. »

Non seulement cette pratique renforce son sentiment de soumission aux profs et elle renforce cette verticalité très forte dans le système éducatif français, mais sa portée pédagogique me semble plus largement discutable !

Le résultat est que les élèves qui acceptent de porter les affaires des profs sont mal perçus par leurs camarades. Au collège, la relation à l’adulte est peu à peu délaissée pour privilégier les relations entre collégiens… Encore faut il couper en douceur le cordon, et accompagner les élèves dans la création d’un lien bienveillant, respectueux et sécurisant entre eux, non  ?