Aurélie venait de subir sa troisième fausse couche en moins de trois ans. En larmes, elle ne pouvait contenir sa peine de n’avoir toujours pas pu « retenir » cet enfant pour qu’il vive en elle comme elle l’espérait tant. Jeune trentenaire en couple depuis une dizaine d’année, elle ne rêvait que de devenir maman et avait eu toutes les raisons de croire que cette fois-ci serait la bonne. Mais une fois de plus, les saignements avaient faire s’effondrer tous ses espoirs. Il avait fallu quatre jours pour que cette grossesse quitte son corps. Quatre journées interminables, douloureuses aussi bien psychiquement que physiquement. Son chagrin était indicible. Les mots lui manquaient, seules les larmes s’autorisaient à couler. Même le terme de fausse couche semblait la trahir, comme si cet événement était faux, irréel, que cette grossesse n’avait pas existé, pas plus que les deux précédentes. Alors que les proches leurs répétaient leurs phrases de consolation toute faites, Aurélie et Pierre étaient tristes et en colère, mais aussi coupables de ne pas réussir à faire durer ces grossesses interrompues.

Face à la douleur infinie de ce jeune couple en mal d’enfants, la psychologue de l’hôpital avait certainement cru bien faire en leur remettant les points sur les i : «J’espère que c’est bien clair dans votre tête que vous n’avez pas perdu un bébé. Ce n’était qu’un embryon ». Comme si cette précision médicale, qui prend tout son sens lors d’un avortement, devait rendre leur perte moins douloureuse à vivre…

Mais ne vous en déplaise, chère Docteur, mais le stade de développement de ce futur bébé n’avait que peu d’importance face à la douleur infinie de l’avoir perdu. Car ce que ce couple a perdu ce jour-là, ce n’est ni un embryon ni un bébé, mais un avenir à trois. Ce qui s’est volatilisé, c’est le rêve de tenir un bébé dans leurs bras dans quelques mois, les premières idées de prénoms, les envies de réaménagement et les craquages devant le rayon body de Monoprix. Que ce bébé soit réel ou imaginaire, qu’il est vécu ou qu’il n’ait pas dépassé les 10 millimètres importe peu finalement. Nous sommes bel et bien face à un deuil, qui mérite tout notre respect, notre empathie et notre considération. Alors chers confrères, s’il vous plait, ne banalisez pas les fausses couches à outrance et n’en faîtes pas des phénomènes insignifiants qu’on ne ponctue que de conseils pratiques. Prenez quelques minutes pour écouter la souffrance de ces couples, et n’oubliez pas que même s’ils ont perdu un simple amas de cellules, ils viennent de perdre un rêve qui était en train de prendre forme et un nouvel amour qui était en train de naître… Merci.

C.V.

*Les prénoms ont été modifiés et cette histoire est publiée dans le respect total du secret professionnel.