« Au secours, j’ai un précoce ingérable qui arrive dans ma classe à la rentrée ! Peux-tu m’aider, le gamin est difficile, je suis un peu paniquée… » Ce SMS anxieux était signé par l’une de mes amies, institutrice en primaire, qui comme tous les instits n’avait reçu aucune formations pour gérer ces drôles de « zèbres »… Et comme elle n’est donc pas la seule à ne pas savoir que ce type de profil peut être une chance pour toute la classe, voici ce que je lui ai répondu…

Il faut dire que pour ma copine instit, la perspective d’accueillir Sacha* dans sa classe n’avait rien de réjouissant. Scolarisé en CE2, cet élève de 8 ans et demi venait d’être diagnostiqué précoce suite à des problèmes de comportements à l’école. Le test avait été sans appel, avec un QI de 145, on avait clairement affaire à un HP++. Oui, mais c’était sans savoir que ce type de bilan ne fait que poser un chiffre, et ne présage en aucun cas ni de la réussite ni de l’épanouissement de l’enfant, bien au contraire. Il suffit de se rappeler qu’un tiers des Hauts Potentiels est en échec scolaire pour relativiser la « bonne nouvelle »… Toujours est-il que si Sacha atteignait haut la main le niveau des CM2, l’Éducation Nationale avait décidé de le faire passer en CM1 en cours d’année pour pallier à son ennui profond.. Mais en attendant, Sacha était un élève dissipé et insolent, qui bavardait sans cesse, provoquait les adultes et n’allait jamais au bout des choses. Pas vraiment le profil d’enfant que ma copine rêvait d’avoir dans sa classe !

La première chose à faire était donc ce lui expliquer pourquoi Sacha réagissait ainsi. Contrairement aux autres enfants qui ont besoin de répéter les choses pour les intégrer, ce petit précoce est totalement exaspéré par la répétition : pourquoi faire et refaire les choses alors qu’une seule fois suffit ? On peut passer à autre chose ? Doté d’une mémoire d’éléphant, Sacha a aussi besoin que les idées fassent sens pour les retenir. S’il comprend la logique d’un concept, il le retient instantanément, mais s’il n’y trouve aucun intérêt il n’y accordera pas la moindre attention et n’a donc aucune chance de retenir une poésie qu’il trouve insipide… Enfin, Sacha a besoin d’un cadre affectif valorisant et stimulant. Si on le considère comme un élève problématique, il est condamné à stagner, alors que si on prend la peine de s’adapter à son profil, il avancera à pas de géant…

– « D’accord, a répondu ma copine instit, mais moi j’ai une classe de 28 gamins dont 27 ont besoin de répéter, je dois leur faire apprendre des poésies, j’ai cinq enfants qui ne savent pas encore bien lire et je n’ai pas le temps d’accompagner un petit précoce à plein temps, alors je fais quoi ? ».
– Et bien tu en fais ton assistant ! Tu responsabilises Sacha en lui demandant d’aider ses camarades en difficulté, tu lui fais faire des exposés aussi souvent que nécessaire, tu lui confies des missions diversifiées tout au long de la journée, bref tu en fais ton allié !
– Sacha, mon allié ? Attend, on parle bien d’un enfant qui ne tient pas en place, là…
– Justement ! S’il ne tient pas en place sur sa chaise, fais- le bouger ! Demande-lui de faire la lecture à ses camarades qui ont encore du mal à lire, et tu verras qu’il va obtenir des résultats qui vont t’étonner…

Quelques semaines plus tard, mon amie (qui est aussi une super instit !) m’a rappelée. Elle avait écouté mes conseils et Sacha était devenu un élève épanoui qui prenait à cœur ses nouvelles « missions » et venait à l’école avec le sourire. Stimulé et valorisé, il se sentait compris et utile et avait retrouvé l’enthousiasme dont il avait besoin pour avancer… Comme tous les enfants (et les adultes !) à haut potentiel, il avait finalement découvert que l’enthousiasme est un moteur puissant, qui peut bloquer la mécanique quand il disparaît, et faire pousser des ailes quand il revient !

C.V.

Les prénoms ont été modifiés et toutes les histoires racontées dans ce blog sont respectueuses du secret professionnel et de l’histoire personnelle des patients.